Les vertus occultées des bactéries "pathogènes"

Le Dr Cocaul nous parle des différentes avancées de l’alimentation moderne : «  d’une part la sécurité alimentaire, toutes les mesures et les normes imposées ont permis de faire quasiment disparaître les épidémies dues à des aliments contaminés, notamment dans le secteur des préparations industrielles ; d’autre part, l’aspect pratique, il n’est plus nécessaire de cuisiner, on peut manger à n’importe quelle heure, les gens désertent la table, mangent dans la rue ou dans les transports publics. »

Il en reconnaît toutefois les inconvénients, notamment « l’épidémie d’obésité. Plus d’un milliard d’individus dans le monde sont obèses, dépassant pour la première fois les 800 millions de sous-alimentés. Les maladies aiguës (tuberculose, variole, et autres maladies infectieuses) ont quasiment disparu, alors que les maladies chroniques, cancer, maladies cardiovasculaires, diabète sont en pleine émergence. Au point de faire stagner l’espérance de vie voire, aux USA, de la faire régresser. »

Une chasse aux bactéries

On peut s’amuser à analyser ce genre de discours sous l’éclairage de l’instinctothérapie. Depuis Pasteur, c’est une véritable chasse aux bactéries qui a dominé les secteurs médical et alimentaire. On a constaté la présence de microbes en association avec différents troubles, et conclu que les bactéries, considérées a priori comme pathogènes, attaquaient l’organisme et provoquaient des maladies. Si vous voyez un village incendié, ou détruit par un bombardement, et autour des maisons rôder une bande d’individus dont vous ne connaissez pas l’identité, votre première réaction sera de penser que ce sont là des brigands dont le seul but était de piller le village.Malheureusement pour l’auréole à laquelle prétend la médecine, l’image même de la bactérie pathogène souffre d’un « biais fondamental d’attribution », diraient les psychologues de la cognition. La première réaction est d’accuser la cause extérieure la plus saillante, plutôt que de s’interroger sur les causes internes, inhérentes à l’état de l’organisme. Il se peut en effet que le village ait été détruit par tout autre chose que par les SDF qui se balladent sur les lieux. Par exemple par une éruption volcanique qui aura provoqué un bombardement de cendres et de scories, assortie de nuées ardentes incendiant tout sur leur passage, comme ce fut le cas de Pompéï en 79 de notre ère.

De même, les bactéries paraissent être la cause de l’état pathologique, du fait que leur présence est concomitante, alors que ce caractère pathologique peut découler d'une tout autre facteur, encore inconnu, et que l’activité bactérienne s’y superpose pour une raison qui nous échappe. Les SDF sont là, mais ils sont peut-être accourus parce que le village a subi ce bombardement d’aérolithes, par exemple pour porter secours aux habitants et les aider à débarrasser les décombres.

Bombardement permanent ignoré

Dans le cas de l’organisme, il existe effectivement un bombardement permanent, systématiquement zappé dans les raisonnements médicaux classiques : le bombardement quotidien par des molécules anormales, auxquelles l’organisme n’est pas adapté, molécules issues des réactions chimiques culinaires. Des myriades de molécules de Maillard, d’AGE, d’ALE et bien d’autres qui n’ont pas encore reçu de nom.

Lorsqu’on mélange des aliments naturels, on met en présence des molécules qui n’ont jamais été mises en présence dans les conditions d’alimentation primitives. Ceci produit d’innombrables réactions chimiques, encore infiniment plus innombrables si l’on porte ces mélanges à des températures supérieures aux températures vitales (env. 40°C). Donc d’innombrables composés ou dérivés chimiques auxquels aucun animal avant l’homo culinaris n’a jamais eu l’occasion de s’adapter génétiquement.

Il est évident que le métabolisme et le système immunitaire n’ont aucune raison de savoir traiter convenablement des substances étrangères au répertoire des molécules naturelles. Toutes ces molécules imprévues, constamment renouvelées suite aux progrès inlassables des recettes de cuisine et des procédés de l’industrie alimentaire, sont suscptibles de provoquer tous les désordres possibles et imaginables dans nos organismes, à la manière d’une pluie d’aérolithes de toutes formes, masses, températures et constitutions provoquant dans le malheureux village une multitude de dégâts divers et imprévisibles.

Pire que cela, la médecine s’est habituée depuis Pasteur à combattre par tous les moyens les bactéries présumées coupables, sans réfléchir un instant à la fonction qui pourrait être la leur. Finie l’ère où les médecins recommandaient un bon édredon et des tisanes à gogo pour aider l’organisme à faire « sortir » le mal. Il s’agit depuis un bon siècle de tirer sur l’ennemi sans sommation, à l’image de ce que nous ont enseigné les deux guerres mondiales.

On tire à tout va sans sommation

Il y avait eu, à la fin du XIXe, un premier « miracle » : l’aspirine, capable de faire disparaître les inflammations et les douleurs. On l’utilise encore aujourd’hui, alors même qu’on sait qu’elle ne fait que bloquer des fonctions vitales. Puis ce fut, au milieu du XXe, l’avènement de la pénicilline, première arme de destruction massive ciblant beaucoup plus directement les bactéries. « La pénicilline utilisée en doses massives n’est ni toxique ni irritante … elle peut constituer, par applications ou en injections, un antiseptique efficace contre les microbes » écrivait Fleming en 1929 dans le British Journal of Experimental Pathology. Puis déferla tout un arsenal d’antibiotiques que l’on croyait d’abord indéfectibles, pour finalement constater que les bactéries ont la fâcheuse habitude de s’adapter à tous ces poisons beaucoup mieux que ne le fait l’organisme lui-même.

On a beau tirer à tout va sur la horde qui s’active dans le village, les intrus s’adaptent à la situation, se camouflent ou passent des gilets pare-balles, et ce sont finalement les autochtones qui écopent les balles perdues. Pour peu que ces étrangers soient venus dans un but secourable, le tir aura pour double conséquence de porter préjudice aux habitants légitimes, et par surcroît d’empêcher les secouristes de rétablir une situation normale.

C’est là, bien malheureusement, l’exacte caricature de notre médecine allopathique. On tire à tout va sur les microbes, déclarés coupables sans autre forme de procès, tout en scotomisant l’invraisemblable bombardement moléculaire auquel sont soumis quotidiennement les organismes sous les auspices de l’art culinaire. Pour bien verrouiller le système, on déclare politiquement incorrecte toute hypothèse qui voudrait que les microbes réputés pathogènes puissent avoir une fonction quelconque. Comment pourrait-on dans ces conditions tirer la situation au clair ?

Plusieurs incidents auraient dû porter les chercheurs à se poser des questions de fond. Je pense à la grosse illusion des animaux « axéniques ». D’avoir trouvé toutes sortes de bactéries dans les intestins a d’abord fait naître l’idée que des animaux débarrassés de ces parasites microscopiques devraient être en meilleure santé. On rêvait encore dans les années 50 et 60 de monde sans microbe, d’une rapide disparition de toutes les maladies...

Sans microbe, sans maladie ?

Il fallut vite déchanter : les cobayes nés par césarienne et élevés sans aucun contact microbien avec leur mère, puis nourris de façon stérile dans un environnement amicrobien, ont lamentablement périclité. L’énorme effort d’asepsie s’était soldé par toute une série de défaillances : poids inférieur, carences en vitamines, métabolisme et immunité profondément altérés (Gordon & Pesti, 1972, Bacteriol Rev), paroi intestinale sous-developpée et fragile, immaturité de la vascularisation capillaire intestinale, diminution de production de facteurs d'angiogénèse (Stappenbeck & coll, 2002, PNAS), réduction de la motilité intestinale, expression diminuée de neuromédiateurs et immaturité du système nerveux myo-entérique (Kabouridis & coll., 2015, Neuron), absence de dégradation des mucines, caecum (début du gros intestin) monstrueux occupant une grande partie de la cavité abdominale et entraînant un risque d'occlusion ou de rupture, durée de vie raccourcie, atrophie des organes vitaux (coeur, poumons, foie), système immunitaire muqueux atrophique (absence de plaques de Peyer, faible densité de lymphocytes CD4 et CD8 dans la lamina propria) (Macpherson & Harris, 2004, Nature Rev Immunol), immunité systémique défaillante, ganglions atrophiques, leucopénie et lymphopénie (manque de globules blancs), retard de maturation de la barrière hémato-encéphalique (Braniste & col, 2014, Sci Transl Res), altération des phases tardives de développement du système nerveux central et anomalies comportementales, hyperactivité, diminution du seuil d'anxiété, conduites imprudentes (Heijtz & coll., 2011, PNAS)...

On découvrait ainsi l’importance incontournable de la flore intestinale et des centaines d’espèces de bactéries qui œuvrent pour notre assimilation et notre santé dans ces couloirs de l’ombre. Les bactéries que l’on avait prises pour des ennemies jurées devaient être réparties en deux classes, les unes étant bel et bien pathogènes, les autres faisant exception et s’avérant bénéfiques, voire indispensables à la vie. On ne pouvait bien sûr pas dire tout de suite que celles-ci fussent bienfaisantes, on préféra les adjectifs « saprophytes » ou « commensales ». Non pour dire qu’elles « prophytaient » à l’organisme ou qu’elle mangeaient à notre table, mais pour bien rappeler qu’elles vivaient à nos dépens. Avec le petit inconvénient qu’il fallait admettre que certaines de ces bactéries pouvaient parfois devenir pathogènes.

La science mit longtemps pour vraiment reconnaître la fonctions vitale des bactéries commensales, et c’est en fait avec la notion de « microbiote » que s’est imposée depuis peu le rôle essentiel de la flore intestinale. Il y a d’ailleurs des bactéries un peu partout en symbiose avec l’organisme : dans la bouche, sur les muqueuses nasales, sur la peau, dans les oreilles, dans les yeux, sous les ongles, sans oublier les organes sexuels. Dans tous les cas, aucune nuisance n’est observée chez l’individu en bonne santé, alors même que les bactéries y sont omniprésentes. On n’a au contraire pas arrêté de mettre en lumière leurs multiples fonctions.

Commensales : comment ça ?

Donc ces bactéries se sont adaptées à l’organisme, de manière à y trouver leur subsistance et l’organisme s’est adapté à ces bactéries en apprenant à les contrôler ou à les utiliser à son profit. On considère que cette situation est l’aboutissement d’une « co-évolution ». La symétrie n’est pourtant pas de rigueur : comme les bactéries existaient longtemps avant les organismes plus évolués, mieux vaudrait dire que ce sont les organismes supérieurs qui ont profité de leur existence pour en tirer profit, assurer certaines fonctions, digestives, métaboliques, immunitaires ou autres.

Ce qui implique aussi la nécessité pour les organismes de savoir réguler la multiplication de ces microbes. Si l’une des nombreuses souches de bactéries présentes dans l’intestin se met à proliférer, l’équilibre fonctionnel est rompu. Si certaines bactéries de la plaque dentaire en font autant, gare les caries. Il faut donc bien admettre que l’organisme est capable de contrôler la prolifération des bactéries, en d’autres termes : qu’il les aurait domestiquées.

Jusque là, tout va bien, aussi longtemps que l’on parle de bactéries commensales, c’est-à-dire qui ne produisent aucun effet pathologique. Mais qu’en est-il des autres bactéries ? Serait-il possible d’extrapoler ce que l’on a constaté pour les bactéries ordinaires aux bactéries « pathogènes » ? Dès qu’on entend ce terme, l’angoisse monte dans la gorge et vient bloquer les rouages cérébraux. Il est tellement plus facile de projeter des idées de méchanceté, rebaptisée « pathogénicité », sur ce qu’on ne comprend pas, que de s’interroger sur le fond du problème. D’autant plus qu’il faudrait ici remettre en cause l’état de nos propres corps, de ce que même Pasteur aurait, paraît-il, appelé sur son lit de mort le « terrain ».

Pire : si l’on se hasarde à penser que ce terrain est dégradé par la faute de nos habitudes culinaires, le postulat se heurte à une véritable levée de boucliers. Notre inconscient s’affole immédiatement à l’idée que nos bons petits plats nous vaudraient Dieu sait quelles maladies infectieuses et qu’il faudrait y renoncer. Tout tout tout, mais pas ça ! Comment se passer des gourmandises et friandises quotidiennes, sachant que le plaisir du palais est dans nos tréfonds le meilleur gage de santé et de survie, ce sont aussitôt des angoisses de mort qui font irruption.

Même les scientifiques les plus réputés n’ont pas été capables de s’affranchir de leurs peurs inconscientes et de formuler une telle hypothèse. Mieux vaut mille fois s’administrer – ou administrer aux autres – toutes sortes de cataplasmes, de sulfamidés ou d’antibiotiques, que de crier haro sur la bonne cuisine, et par surcroît sur l’industrie alimentaire.

Et le terrain alors ?

Pourtant, l’extrapolation est parfaitement possible. Les processus biologiques qui sous-tendent le fonctionnement du corps et de ses multiples organes se jouent au niveau moléculaire. Le principal apport de molécules est l’apport nutritionnel. La respiration ne met en jeu que des molécules simples, oxygène, azote, gaz carbonique, auxquelles se mêlent certes quelques composés imputables à la pollution, mais comme les maladies existaient déjà en nombre avant l’ère industrielle, ce facteur ne peut pas être le principal. Reste donc à passer au crible fin le flot de molécules qui entrent par la bouche. Ce n’est certes pas simple, étant donné la complexité des processus nutritionnels.

La logique la plus élémentaire permet de prévoir qu’un désordre moléculaire tel qu’il résulte des réactions chimiques culinaires, ajouté au désordre métabolique induit par les carences et les surcharges issues d’une équilibration nutritionnelle falsifiée par l’altération des saveurs, ne peut que semer un désordre fonctionnel dans notre machinerie biologique. Comme si l’on mettait dans une assembleuse toutes sortes de pièces qui ne sont pas prévues dans son programme, et dans des quantités pour lesquelles la machine n’est pas prévue. Les engrenages auront vite fait de se coincer, les espaces fonctionnels de se remplir de matériel inutilisable, les axes de chauffer et se gripper. Il faudra d’urgence appeler un réparateur. Donc un médecin, sauf que celui-ci ne peut pas démonter la machine et ne comprend qu’une toute petite partie de son fonctionnement.

La médecine n’a pour l’heure pas encore su poser le problème. Elle attribue les maladies aiguës à des agents microbiens, en négligeant complètement la notion de molécules pathogènes d’origine culinaire parasitant le « terrain ». Elle part du point de vue que l’humanité mange cuisiné depuis des millénaires, et que donc les organismes s’y sont adaptés. C’est malheureusement là un sophisme de bas étage, car rien ne permet d’affirmer que ces millénaires ont suffi à notre espèce pour s’adapter aux propriétés biochimiques nouvelles extrêmement complexes des aliments transformés. Il ne s’agit pas ici d’une adaptation métabolique à un seul facteur que constituerait la « cuisine » en soi, mais de l’adaptation à chacune des espèces de molécules et des propriétés sensorielles nouvelles des aliments transformés. Donc de tout un faisceau de mécanismes métaboliques ou immunologiques qui auraient dû se modifier pour s’adapter à chacun des nouveaux éléments.

Une fois posée la notion de désordre moléculaire d’origine culinaire, le raisonnement se présente sous un jour tout à fait différent. Au lieu d’attribuer la pathogénicité d’une bactérie à ses caractéristiques propres, on peut mettre en cause la présence de molécules anormales polluant l’organisme. Soit que la présence de certaines molécules pousse cette bactérie à proliférer et à faire preuve d’une agressivité particulière, soit, et je crois que c’est là la véritable explication : que l’organisme procède à la multiplication de cette bactérie dans le but de lutter contre certaines molécules indésirables.

Molécules pathogènes et bactéries domestiquées ?

Le finalisme naïf n’a bien sûr aucune valeur scientifique. Après une période de gloire remontant à Aristote, la téléologie (explication des phénomènes par leur but final), s’est vue opposer dès 1960 la téléonomie (explication par une conséquence nécessaire, mais non intentionnelle). Le mécanicisme a eu raison des explications gratuites héritées des époques précritiques, avec par exemple la fameuse boutade du melon, dont la pelure aurait été dessinée en tranches par le Bon Dieu afin de faciliter sa consommation en famille. Lamark avait soutenu que le cou de la girafe s’était allongé par suite de l’effort fourni pour atteindre les branches élevées des arbres. Tout cela nous paraît dérisoire, nous savons aujourd’hui que les causes précèdent les conséquences. L’Évolution procède par mutations dues au hasard et par sélection naturelle.

Pourtant, la logique même de la sélection naturelle fait naître un finalisme virtuel : une fonction nouvelle ne peut être retenue par l’Évolution que si elle est utile à la survie de l’individu ou de l’espèce. Or, si une chose est utile, on peut dire qu’elle sert à quelque chose. Ce qui revient à considérer qu’elle répond à une finalité. Il existe donc bel et bien, au niveau de la biologie, un finalisme de fait, même si on ne le met pas sur le compte des intentions d’un Créateur barbu.

Donc rien ne nous interdit d’émettre l’hypothèse suivante, en langage ordinaire : que les organismes supérieurs ont pu au fil des générations domestiquer des bactéries dans un but donné, même si nous ne connaissons pas encore ce but. Avec pour corollaire qu’il reste à déterminer quel pourrait bien être ce but.

Cette façon de raisonner repose sur un prérequis : que l’action des bactéries dites pathogènes ait une utilité dans la mesure où l’on supprime le facteur qui les rend pathogènes. Il faut donc trouver des cas d’espèce dans lesquels elles ne manifestent aucune nuisance, et comparer avec les situations où apparaît la pathogénicité. La clé du problème est, pour ceux qui la connaissent, évidemment l’instincto, ou plus simplement : un alimentation sans dénaturation, consommée dans le respect des signaux sensoriels, comme le font tous les animaux du monde depuis des temps immémoriaux.

L'infection fait l'ascenseur

La toute première expérience, celle qui m’avait mis la puce à l’oreille, remonte aux années 60. J’effectuais avec ma famille et quelques amis des travaux d’aménagement dans la vieille ferme que j’avais achetée en Suisse, les « Trois Noyers », justement à une période où je m’interrogeais encore sur la consommation des produits laitiers. Afin de tirer les choses au clair, malgré le faible effectif de « cobayes » dont je disposais, j’avais divisé le groupe en deux parties, dont chacune consommait des produits laitiers par alternance pendant un mois. Les troubles qui risquaient de survenir et d’être imputables aux produits laitiers ne se manifesteraient ainsi que chez les sujets qui en consommaient, alors que des troubles dus à d’autres facteurs seraient apparus aussi bien dans l’une des parties que dans l’autre. Tous les membres du groupe pratiquaeint par ailleurs l’instinctothérapie dans les règles.

Nous travaillions tous les jours pour installer des fenêtres dans un gros mur de pierre à l’ancienne, et nos mains souffraient de toutes sortes d’égratignures. Je constatai avec surprise que seules les égratignures des consommateurs de produits laitiers s’infectaient alors qu’elles restaient indemnes chez les autres, qui n’avaient besoin d’aucun produit désinfectant. Je décidai de mener l’expérience plus loin, en ne désinfectant plus mes propres égratignures et en poursuivant la consommation de produits laitiers au-delà du mois convenu. Je vis alors une petite blessure que j’avais sur l’index de la main gauche s’entourer d’érythème (rougeur), gonfler douloureusement, puis une ligne rouge partir de la base de l’index pour remonter peu à peu sur mon avant-bras gauche.

La bande rouge, en termes médicaux : la lymphangite atteignit bientôt le haut du bras, et comme l’on dit qu’elle peut déboucher sur une septicémie si elle arrive jusqu’à l’épaule, je décidai – non de désinfecter la plaie purulente, ce qui aurait interrompu l’expérience – mais d’interrompre ma consommation laitière. Hasard ou conséquence, la lymphangite commença dès le lendemain à régresser. Une fois ramenée au milieu de l’avant-bras, je pris le risque de me remettre aux produits laitiers quotidiens. La ligne rouge recommença à grimper régulièrement. Une fois arrivée au milieu du bras, de coupai définitivement les produits laitiers, et elle régressa pendant que ma plaie cicatrisait sans plus puruler ni me faire mal.

L’ensemble de ces coïncidences excluait a priori le hasard, mais mes collaborateurs ne se montrèrent pas convaincus. Un étudiant en biologie qui travaillait avec nous décida d’en faire autant. Les résultats furent identiques. Il recommença même l’expérience pour définitivement se se rendre à l’évidence : la consommation de produits laitiers, qu’ils proviennent de la vache ou de la chèvre, suffit pour transformer une blessure légère en infection mortelle.

L'indélicate épicière

Un exemple spectaculaire fut celui de l’une de mes filles : âgée de huit ans et pratiquant l’instincto depuis la naissance, elle se fit un jour mordre par mon chien (sur lequel je venais de faire l’expérience de la viande de boucherie). Glissant sur la glace, elle s’était retrouvée au sol, et le chien, anormalement excité, la mordit profondément à la tête. Au bout de quelques jours, je constatai avec stupeur qu’une infection s’était développée sur une grande partie du crâne, entre l’os le cuir chevelu – première infection constatée chez mes enfants. Je pensai d’abord que certains germes pouvaient être tout de même gravement pathogènes, quel que soit le terrain, peut-être parce qu’appartenant à la flore canine qui nous aurait été étrangère. Je conduisis ma fille sans tarder chez un médecin, tout en refusant les antibiotiques. L’homme de l’art ne manqua pas de me tancer, voire de me menacer de dénonciation aux services de protection de la jeunesse. Mais il accepta finalement de cureter l’infiltration, tout en s’étonnant que l’enfant n’ait pas poussé le moindre hurlement.

Une enquête plus approfondie me permit de découvrir la cause de cette déconvenue. L’épicière du village voisin, apitoyée par le régime strict que j’imposais à mes enfants, avait chaque jour d’école donné à l’enfant un yaourt nature à déguster. Quoi de plus naturel : une petite cure de produits laitiers ne pouvait que lui garantir un apport de calcium salvateur ! Ma fille n’avait évidemment pas su refuser, mais face aux conséquences, décida fermement qu’on ne l’y reprendrait plus. Et, miracle : le simple arrêt des yaourts suffit pour stabiliser complètement l’infection (alors qu’une pléthore de microbes étaient restées entre le crâne et la peau). Son cuir chevelu se recolla comme par enchantement, en une dizaine de jours, et le médecin qui la suivait ne put que remballer ses antibiotiques. Cette même fille a aujourd’hui une superbe chevelure blonde.

Il s’avéra toutefois que le lait n’était pas le seul responsable possible d’une tendance infectieuse : il suffisait d’absorber un quelconque aliment non originel, donc des molécules auxquelles l’organisme n’est pas génétiquement adapté, pour faire progresser les infections, et de revenir à une alimentation 100 % originelle et réglée par écoute du corps pour les faire régresser. En toute logique, il fallait attribuer la pathogénicité non pas aux bactéries, mais aux molécules non originelles apportées par l’alimentation courante, comprenant des molécules d’origine culinaire, laitière ou n’existant pas dans les conditions d’alimentation primitives.

Aucune infection ne s'installe

D’autres observations, étendues sur des années, sont ensuite venues montrer que, systématiquement, les infections se résorbaient ou ne s’installaient pas sous instincto. Le premier exemple « public » fut celui d’un bébé atteint de staphylocoque doré au niveau intestinal, contaminé à la naissance. À huit mois, les médecins donnaient la fillette pour perdue, tant elle était d’une maigreur alarmante et les staphylocoques rébarbatifs à toutes les tentatives de soins. Au point que ses parents se décidèrent de nous la confier. Le bébé ne mangea que des pommes pendant cinq jours, puis fit une crise de fièvre légère, avec des odeurs de selles très particulières. Puis elle se mit à manger de manière beaucoup plus variée, à s’amuser et communiquer comme elle ne l’avait jamais fait. Les parents, enchantés par ce résultat mais encore inquiets, demandèrent une analyse de selles : le laboratoire, qui connaissait l’enfant, constata avec étonnement qu’il n’y avait plus aucun staphylocoque doré. Puis la fillette grandit comme si de rien n’avait été. Elle est aujourd’hui une saine et belle femme, qui a pu faire sa vie malgré ce faux départ, et m’a encore récemment témoigné sa reconnaissance.

Un autre cas mérite d’être cité : celui d’un homme d’une trentaine d’années, qui participait à mes premières expériences sur l’instincto, était parti faire un voyage en Afrique du Nord. Un « bouton d’Orient » se développa sur le bas d’une jambe, surinfecté et extrêmement douloureux. En l’absence de traitement efficace, les spécialistes en médecines tropicales n’eurent plus qu’une solution à proposer : l’amputation. L’homme préféra prendre l’avion d’urgence et se remettre à l’instincto sous mon contrôle. Je commençai par bricoler une cage de treillis autour de la zone atteinte, de manière que le pantalon ne vienne pas frotter la plaie et aggraver la douleur. Il appliqua strictement les règles du choix olfactif, avec un approvisionnement correct. L’infection se stabilisa en quelques jours, pour se résorber complètement au bout de quelques semaines. La cicatrisation se déroula sans incident, en l’absence de toute intervention (ni pansement, ni désinfectant, ni curetage etc.). La guérison fut d’autant plus étonnante que ces ulcérations sont dues à un parasite microscopique (leishmania) auquel l’infection bactérienne vient se surajouter.

Tous ces faits concordants, et l’absence de cas contraires, avec maintenant plus de 50 ans de recul, permettent de formuler une loi générale : aucun processus infectieux n’est pathologique dans le contexte d’une alimentation originelle. S’il se produit, il se manifeste de manière fruste ou asymptomatique, sans inflammation douloureuse, pour se résorber spontanément, cela sans emploi de désinfectant, sulfamidé, antibiotique etc.

De plus, les diverses infections observées hors instincto se sont produites pour la plupart sans intrusion de bactéries d’origine extérieure. Il peut arriver (bien que très rarement) qu’un phlegmon (ou abcès) se développe, alors qu’aucune blessure ou lésion visible ne permet de l’expliquer par une contamination bactérienne. Il se résorbe suivant dès recours à l’alimentation instinctive, suivant les cas à l’extérieur par épanchement, ou à l’intérieur. Le processus reste, là aussi, indolore et ne laisse pratiquement aucune trace, sous réserve qu’on le laisse suivre son cours sans intervention perturbatrice (un coup de bistouri par exemple peut compromettre la cicatrisation parfaite). Ce type d’observation renverse complètement la théorie classique de l’infection due à la pénétration d’un agent extérieur.

Le processus bactérien comme une fonction biologique

Le tableau général porte à inférer que l’organisme, sous réserve d’une alimentation originelle (sans dénaturations et réglée par l’instinct) déclenche lui-même ces processus bactérien, qu’il est parfaitement capable de les contrôler et de les limiter dans le temps, puis de les résorber et de réparer la zone lésée s’il y en a. Une telle convergence donne à penser non pas à une tentative de défense contre un agresseur, mais à un processus organisé et bien contrôlé, programmé génétiquement comme toute fonction biologique. Or, tout processus organisé répond à une finalité. Où faut-il donc chercher cette finalité ?

Les faits montrent que le facteur déterminant l’évolution soit convergente soit divergente des infections bactériennes tient à l’alimentation. Or, quelle différence doit-on prendre en compte suivant que l’alimentation est dénaturée ou non ? Des aliments dénaturés provoquent la pénétration dans les masses circulantes de nombreuses molécules non originelles, auxquelles l’organisme n’est pas adapté. Ces molécules peuvent provoquer toutes sortes de troubles, notamment suite à leur accumulation. L’organisme a donc intérêt à s’en débarrasser par un moyen quelconque.

Une telle élimination n’est cependant pas forcément prévue au programme. Rien dans notre génétique n’a de raison de s’être mis au point pour éliminer des molécules qui n’existent pas dans les conditions d’alimentation naturelle. Il aurait fallu mettre au point de nouvelles enzymes, adaptées aux nouvelles molécules. Une telle mise au point nécessite des temps importants. Rien ne permet de penser qu’elle se soit effectuée de manière satisfaisante en quelques millénaires d’alimentation transformée. Rien ne permet non plus d’affirmer qu’elle soit possible pour n’importe quelle molécule nouvelle.

Une voie s’offrait pourtant à l’Évolution pour résoudre le problème : tout comme le corps sait utiliser des bactéries pour l’assister dans les processus de digestion, justement parce qu’elles possèdent des enzymes qu’il ne sait pas synthétiser lui-même, il peut fort bien avoir appris, au cours des millénaires, à utiliser des bactéries disponibles dans le milieu afin de disposer, par leur truchement, d’enzymes capables de dégrader certaines molécules non prévues à son propre programme enzymatique, ou normalement présentes en petites quantités.

Le microbiote (ensemble des bactéries associées à l’organisme et non pathogènes) compte, selon les dernières estimations, entre 15000 et 30000 espèces de bactéries, plus encore en bon nombre des « archées » (bactéries archaïques). Une telle complexité justifie largement notre hypothèse : que les bactéries considérées comme pathogènes appartiennent au microbiote normal, vu qu’elles n’ont dans les conditions d’une alimentation originelle aucune pathogénicité. Elles serviraient à gérer certains types de molécules que le corps ne sait pas gérer par lui-même.

Pathogénicité apparente et médecine pathogène

La pathogénicité apparente s’explique alors par la présence en trop grande concentration de molécules d’origine culinaire ou laitière, de sorte que les processus de régulation contrôlant la multiplication des bactéries est dépassés par la situation, laissant place à une prolifération démesurée. Il est en effet logique de penser que les mécanismes immunitaires ou autres chargés de contrôler la multiplication des bactéries du microbiote sont prévus pour des quantités de molécules correspondant aux conditions d’alimentation naturelle. Si la concentration de ces molécules est multipliée par dix ou cent sous l’effet d’une alimentation dénaturée, on peut s’attendre à ce que les mêmes mécanismes de régulation autorisent une multiplication plus ou moins proportionnelle de bactéries concernées. Or, dix ou cent fois plus de bactéries fait passer d’un processus biologique à un processus pathologique.

Nous sommes là bien loin des stéréotypes médicaux en vigueur. Ce cher docteur Cocaul, par exemple, se félicite de la disparition des bactéries pathogènes dans les préparations industrielles, alors que ces bactéries comme les autres auraient en fait une fonction bien précise : celle d’aider l’organisme à se débarrasser des molécules pathogènes apportées par ces mêmes préparations ou par les recettes ordinaires. En privant l’organisme de l’occasion de refaire son intégrité, on le libère sans doute du travail que représentent les maladies dites aiguës, mais on le pousse de plus belle vers le désordre moléculaire, c’est-à-dire dans l’enfer des maladies chroniques, cancer, accidents cardiovasculaires, diabète, obésité, alzheimer, et autres petits plaisirs venant miner notre espérance de vie.

En fait, la médecine est cancérigène, et plus généralement pathogène : dans l’illusion de guérir, et ne comprenant pas qu’il faudrait simplement faciliter et contrôler les maladies microbiennes de manière à permettre l’assainissement du terrain, le monde médical leur interdit de suivre leur cours naturel, par peur des petites maladies courantes, et s’étonne ensuite de voir le taux d’incidence des cancers et autres maladies graves monter en flèche. Le problème n’est pas clair non plus dans la tête des naturopathes : ils pensent eux aussi utile d’aider le corps à lutter contre les microbes pathogènes, au lieu de comprendre que cette pathogénicité tient au terrain, et qu’il suffirait d’aider le patient à corriger son alimentation. Tout l’arsenal de médications prétendues naturelles ressort de cette même erreur de base.

L’incapacité générale des blouses blanches de tout acabit de définir une alimentation adaptée à la génétique humaine a privé le monde scientifique d’un champ d’observation essentiel. Personne n’a simplement pu constater que la prétendue nocivité des microbes dépend quasi uniquement des erreurs liées à l’alimentation traditionnelle. Faute d’avoir reconnu cette évidence, il a bien fallu trouver un bouc émissaire : le démon nommé pathogénicité, censé hanter les microbes et en faire sournoisement nos ennemis mortels...