Piqûres de moustiques qui démangent : la faute à nous ou la faute aux moustiques ?
Toute ma jeunesse, j’ai cru normal qu’une piqûre de moustique pique. La démangeaison s’intensifiait à peine je commençais à gratter. Même jusqu’au sang, ça ne s’arrangeait pas. Enfant bien sage, j’ai donc décidé d’écouter ma mère et de retenir mes envies de grattage. Ses prédictions se sont réalisées, en laissant les piqûres s’estomper toutes seules, je ne les sentais presque plus au bout de quelques minutes.
Mais il me fallait une sacrée volonté pour contrer l’envie de grattage. Je m’étonnais qu’un réflexe naturel puisse aggraver une situation. J’avais observé que les chiens, les chats, et même les vaches savent parfaitement se gratter. Qu’il faille rejeter ce réflexe m’apparaissait comme une entorse au grand principe de l’harmonie naturelle. Et je ne me trompais pas...
Une première faille dans le grand paradigme qui veut qu’une piqûre de moustique démange allait apparaître quelques années après que j’eus « inventé » la non-cuisine. Une alimentation sans cuisson, ni assaisonnement, ni mélanges, et de plus sans lait animal. Un retour à ce qu’était très certainement l’alimentation des humains avant l’invention du four, de la soupière et du saladier. Donc une alimentation à laquelle notre organisme a toutes les raisons d’être adapté de par sa génétique, vu qu’elle a été celle de tous nos ancêtres depuis des millions et des millions d’années.
Cela s’est produit un jour où ma femme et moi étions très occupés, avec le propriétaire de l’endroit, à capter un ruisseau pour arroser nos premiers arbres fruitiers. Le lit du ruisseau était humide et, mi-juillet, servait de havre de reproduction à des nuées de moustiques. Impossible de se protéger complètement, d’autant plus que la chaleur exigeait une surface de corps suffisante découverte à dessein d’évaporation. Terrain d’atterrissage idéal pour l’aviation ennemie.
Les piqûres furent donc innombrables pendant la bonne heure que prit notre installation. Une fois le captage terminé, nous constatâmes une chose totalement imprévue : toutes ces piqûres ne nous démangeaient pas le moins du monde. Nous les avions bien senties à l’instant où les moustiques introduisaient leurs suçoirs dans nos capillaires, mais aucun effet prurigineux ne s’était prolongé dans le temps.
Quelle pouvait être la cause de cette étonnante innocuité ? Ces moustiques de ruisseau ne nous auraient-ils pas injecté avec leur salive les mêmes allergènes que les moustiques du terroir ? Ou la différence tenait-elle à notre nouveau régime alimentaire ?
Impossible d’incriminer les anophèles : le propriétaire, interrogé, avoua des démangeaisons qui lui avaient duré plus d’un jour, donc parfaitement normales. Ne restait donc plus qu’à invoquer notre nouveau régime. Le propriétaire avait une femme qui lui faisait d’excellents petits plats, alors que la mienne s’était convertie depuis plusieurs années à l’abstention de toute velléité culinaire.
Ça n’avait pas été facile. Le jour où nous avions décidé de nous lancer dans l’expérience, elle m’avait lancé : « Mais moi, qu’est-ce que je vais devenir, sans cuisine, j’ai le sentiment que ma vie n’aura plus de sens... ». Pour moi également, ne plus faire de raclettes pour inviter les amis, me passer de pâtisseries, cela me semblait un monde.
Pourtant, nous allions bientôt découvrir ensemble que la vie prend au contraire tout son sens lorsqu’on se passe de cette habitude ancestrale. Et que le corps fonctionne infiniment mieux. Avec une alimentation originelle, exempte de toute transformation, l’organisme fonctionne simplement comme un moteur auquel on rend son carburant d’origine : toutes les pannes, les halètements, les surchauffes, les faiblesses disparaissent. Il est clair que notre métabolisme, nos sens de l’odorat et du goût, notre système immunitaire sont encore faits aujourd’hui pour carburer avec les aliments d’avant la civilisation.
La civilisation, et son pilier numéro un la cuisine, sont quelque chose de relativement récent. La génétique évolue très lentement, et l’épigénétique, censée adapter le travail des gènes aux données présentes, est loin de résoudre tous les problèmes. Une alimentation transformée pose au métabolisme et au système immunitaire une masse de problèmes qui ne se sont jamais posés depuis qu’existent les premiers animaux. Et même si l’homme n’est plus un animal, son organisme obéit encore aux lois biologiques. Avec une alimentation dénaturée, il se montre incapable à long terme de fonctionner sans pannes, halètements, surchauffes ou faiblesses, bobos et maladies en tous genres jusqu’à la casse prématurée.
Même avec les piqûres de moustiques. L’exemple paraît anodin, mais en fait, c’est tout le problème de la tendance inflammatoire qui se manifeste sous l’effet de ces désagréables suçoirs. Le système immunitaire, alerté par la présence de protéines étrangères dans la salive de l’insecte, met en jeu sa mécanique de base, qui n’est autre que l’inflammation. Lorsque les choses fonctionnent normalement, l’inflammation, c’est-à-dire l’ensemble de mécanismes de nettoyage dont dispose le corps, fait son œuvre sans qu’on ne la ressente comme quelque chose de désagréable.
Les globules blancs spécialisés accourent sur le lieu de l’agression, des lymphocytes libèrent des anticorps qui signalent les éléments étrangers, des macrophages se chargent de les avaler et de les évacuer, leur déplacement est facilité par un léger gonflement local des tissus, tout est réglé comme du papier à musique. L’inflammation, contrairement au nom que lui a donné la médecine, est donc le mécanisme par excellence du maintien de l’intégrité de l’organisme.
Alors, pourquoi a-t-elle si mauvaise réputation ? Le processus peut effectivement dérailler. Le léger gonflement peut devenir un œdème gênant, voire dangereux au point de vous étouffer, la petite rougeur locale peut s’étendre démesurément, signant une hypersensibilité douloureuse, souvent insupportable, la zone peut s’infecter et se mettre à suppurer, il peut s’ensuivre une fièvre générale, tous les signes sont là pour justifier une admission aux urgences.
Les démangeaisons provoquées par une piqûre de moustique mettent les mêmes mécanismes en jeu. Gonflement, hypersensibilité, prurit interminable, tout cela pour quelques petites protéines charriées par un millième de millimètre cube de salive étrangère… Il est vrai que ces protéines ont des affinités particulières avec notre organisme, puisqu’elles sont capables de fluidifier le sang. Elles interfèrent avec les mécanismes très complexes de notre système de coagulation. Il est donc logique que notre système immunitaire réagisse avec une certaine vigueur.
Mais pour quelle raison les choses vont-elles si loin ? La question se pose avec d’autant plus de pertinence qu’il suffit de pratiquer une alimentation naturelle pour que le processus se déroule silencieusement. Une petite démangeaison au départ et rapidement tout rentre dans l’ordre. La réaction habituelle aux piqûres de moustiques semble donc dénoter une anomalie du fonctionnement immunitaire.
Cela non seulement en matière de piqûres d’insectes, mais chaque fois que le système immunitaire doit intervenir. Par exemple, les pires allergies, asthme, urticaires, rhume des foins, disparaissent comme par enchantement, si l’on prend la peine de ne plus se fatiguer à cuisiner les aliments ni à traire les vaches. De même, les inflammations qui accompagnent la cicatrisation, qu’il s’agisse de contusion, de coupure, de fracture, même de fracture ouverte, se déroulent dans un parfait silence. Même observation avec les douleurs extrêmes autour de tumeurs cancéreuses, le changement d’alimentation s’avère plus efficace que la morphine.
Il s’agit donc un phénomène général : dans un organisme non pollué par les molécules indésirables que génère la préparation culinaire, sous l’effet des mélanges et de la cuisson, ou qu’apportent des produits étrangers à la palette alimentaire naturelle des primates comme le lait, les mécanismes inflammatoires restent silencieux. Il suffit en revanche d’assez peu, parfois d’un seul repas conventionnel, d’une invitation au restaurant, d’une friandise, pour que le désordre s’installe.
En fin de compte, les démangeaisons qui font suite aux piqûres d’insectes pourraient avoir une utilité : nous rappeler que la cuisine est une erreur. Un mauvais tour que nous jouons à nos organismes sous prétexte de plaisir gastronomique, et qui a pour effet de détraquer notre système immunitaire. Au lieu de pester contre l’inventeur de ces bestioles malfaisantes, on pourrait y voir un habile moyen de nous faire prendre conscience que toute altération des aliments naturels a pour conséquence une désorganisation de notre système immunitaire, et constitue donc une menace pour notre santé et notre longévité. Merci les moustiques !
Pour conclure dans l’actualité, notons que c’est également l’emballement des mécanismes inflammatoires qui fait les sévices d’un virus comme celui qui vient d’ébranler notre civilisation. Le virus se multiplie silencieusement, mais les réactions immunitaires qui accompagnent le processus peuvent dépasser les limites du supportable et mettre la vie en danger. Tout le monde a entendu parler d’ « orage cytokinique » : une avalanche inexpliquée de cytokines, normalement prévues pour réguler le processus viral à travers l’inflammation, donc en appelant le système immunitaire à la rescousse.
En fait, ce n’est pas le virus qui tue, mais les réactions immunitaires hypertrophiques que l’organisme produit en sa présence. Fonctionnement aberrant qui s’explique si l’on sait que l’alimentation traditionnelle a pour conséquence une pollution moléculaire systématique de l’organisme. L’apport quotidien de molécules étrangères, issues du lait animal ou des réactions chimiques culinaires a forcément une influence sur le fonctionnement du système immunitaire, dont la fonction est de lutter contre tout ce qui est étranger.
Dommage que les scientifiques en soient encore au stade précritique de l’agent pathogène. Sinon, ce ne sont pas les citoyens qu’ils auraient fait confiner, mais les cuisiniers et autres apprentis sorciers de la chimie alimentaire. Voilà qui aurait coûté moins cher...