Une amibe mangeuse de cerveau a tué deux Américains…

La médecine nous enseigne que les amibes peuvent attaquer jusqu’au cerveau de leurs hôtes. De quoi paniquer face à ces monstres de l’infiniment petit, armés de pseudopodes dévoreurs et rampant à coups de sordides déformations. Au deuxième rang des parasites tueurs, juste après le falciparum de la malaria pernicieuse.

Et si ce scénario médical reposait sur un gigantesque malentendu ? La nature est-elle vraiment fourbe au point de fabriquer de méchants protozoaires, invisibles dans une eau de baignade agréablement chaude, avec mission d’aller ronger le cerveau des baigneurs ? L’organisme humain est-il par nature incapable de résister aux micro-organismes de l’environnement au point de laisser son plus précieux organe à la merci d’une mauvaise rencontre ?

Tout est possible. La nature n’est pas sans contradictions. La météorite qui a sonné la fin des dinosaures était elle aussi parfaitement naturelle. Elle a néanmoins détruit la vie d’un nombre incalculable d’organismes qui s’étaient développés sur la planète au prix de millions d’années d’évolution. Les éruptions volcaniques, les tremblements de terre, les tsunamis, les ouragans sont sans pitié pour leurs victimes. Donc c’est une prémisse fausse que de postuler une harmonie naturelle censée nous éviter des souffrances ou des morts injustes.

Il y a pourtant une faille dans ce raisonnement : d’un côté, il invoque une nature sans vie, faite de cailloux, de laves, de masses d’eau, de lois physiques régissant la matière ; de l’autre les processus biologiques d’une haute complexité qui se sont mis au point en obéissant aux lois de la sélection naturelle – aux volontés du Créateur pour les créationnistes. L’harmonie des fonctions vitales étant utile à la survie et à la reproduction des individus, elle s’est installée d’office dans le monde vivant, alors que le monde mort obéit aux lois de la physique, dont celles du chaos.

On devrait distinguer plus clairement entre monde matériel et monde vivant. La notion de fatalité, par exemple, n’a pas le même sens dans un cas et dans l’autre. Rien ne pouvait éviter la chute d’une météorite dont la trajectoire résultait des lois du hasard – ou la volonté du Créateur aurait été de détruire son propre ouvrage... Les lois du Seigneur ont des raisons que la raison ne connaît pas. À tout bien considérer, la fatalité provient du choc entre l’harmonie propre aux lois biologiques, qui veulent que tout se passe sans heurts aussi longtemps qu’on les respecte, et celles du hasard, qui n’ont pas l’air de tenir compte de nos critères humains.

La fatalité n’existe guère dans le monde vivant : les principes de l’évolution et les temps gigantesques qui ont présidé à la sélection naturelle, traversant toutes sortes de situations et d’interactions, nous garantissent avec une extraordinaire fiabilité l’absence de tout dysfonctionnement. Il reste bien sûr les accidents génétiques, et les rencontres avec les prédateurs qui dépendent a priori du hasard. Rien n’exclut que votre trajectoire spatio-temporelle ne croise celle d’un tigre du Bengale. Ni qu’une particule alpha ne vienne endommager l’un de vos gamètes. Et la catastrophe est là...

Pas si sûr que ça : l’homme n’est pas le schéma déclencheur originel des grands fauves. Ces animaux chassent toutes sortes de proies auxquelles ils sont adaptés. Ils reconnaissent instinctivement leurs formes, leurs mouvements, leurs odeurs. L’être humain n’affiche pas les mêmes critères que les mouflons ou même les singes et n’est vraisemblablement pas inscrit au programme instinctif des félins. Les indigènes savent que les fauves ne visent pas l’homme a priori. Le singe nu que nous sommes semble plutôt les déconcerter que de figurer à leur table originelle.

Des confusions au niveau des schémas déclencheurs peuvent provenir de différentes causes : les félins fonctionnent dans une large mesure à l’odorat. Or, l’odeur d’un individu qui vient de se délecter d’une entrecôte de bœuf, soit qu’il en ait mangé trop sous l’effet d’un assaisonnement soit qu’il l’ait mangée rôtie, sera très proche de celle du gnou ou autre bovidé de la savane. Sous l’effet des perturbations métaboliques dues à la surcharge digestive ou à la dénaturation des molécules complexes, certaines molécules conserveront leurs propriétés aromatiques et, une fois émises par la transpiration du consommateur, pourront convaincre de lion de service qu’il s’agit bien de sa proie coutumière. Sinistre retour de bâton…

Et ce n’est pas tout : les molécules dénaturées par la chaleur sont souvent excitantes. Leurs effets s’ajoutent à ceux du gluten du blé ou des exorphines du lait de vache. Cette excitation larvée, que les humains ne reconnaissent plus tant elle est devenue la norme, pourra produire des mouvements involontaires mimant ceux d’animaux plus rapides. Les animaux sont très sensibles aux postures et à la gestuelle, notamment aux vitesses des mouvements. Attachez un bouchon à une ficelle et tirez par saccades : votre chat bondira sur le leurre. Les grands fauves pourront de même confondre le bipède excité qui s’agite sur leur territoire avec certaines proies spécifiques. Sans compter que la peur est plus difficile à contrôler dans un état d’excitation, les tremblements et la poudre d’escampette constituent un schéma déclencheur supplémentaire.

Plus le facteur écologique : les hommes dévastent les territoires des animaux sauvages. Ils brûlent les forêts, chassent leurs proies, celles-ci viennent à manquer. Face à la famine, les prédateurs se font moins sélectifs. Ils ont tendance à attraper tout ce qui tombe sous leurs griffes, et les mauvaises rencontres tournent au drame.

À cela s'ajoute encore l’excitation du félin qui a consommé un humain : les molécules non dégradables stockées au cours des ans auront un double effet. Elles donneront à la chair humaine une saveur incomparable, qui marquera les papilles gustatives du prédateur d’un souvenir indélébile. Rappelez-vous comment on se souvient d’un restaurant d’exception. Par surcroît, les molécules excitantes l’exciteront au même titre que l’humain et accroîtront ses pulsions de prédateur. Voilà qui pourrait expliquer le concept de « tigre mangeur d’homme ». Une dépendance indirecte à la cuisine…

La fatalité des rencontres avec les grands carnivores pourrait donc être en rapport étroit avec les aberrations alimentaires propres à l’homo culinaris. Qu’en est-il des rencontres avec les microorganismes ?

La médecine considère les microbes  comme des prédateurs à leur manière. Ils nous attaquent, se nourrissent à nos dépens. S’ils n’ont ni griffes ni dents, ils émettent des toxines encore plus sournoises et délétères. Rencontrer un microbe est une fatalité, qui se nomme « infection ». Étymologiquement : souillure du péché, empoisonnement, salissure, voilà qui en dit long sur les intentions prêtées aux démons du monde microscopique. Invisibles et effrayants, au vu des dégâts qu’ils peuvent produire. Les épidémies de peste sont encore dans tous les esprits. Puis visibles grâce au microscope de Pasteur, même plus effrayants du fait qu’on sait qu’ils existent et nous guettent sans répit dans l’infiniment petit. L’absence de médicament valable contre les virus et l’adaptabilité des bactéries aux antibiotiques ne sont pas faites pour nous rassurer.

Parmi les parasites, les amibes ont mauvaise réputation. Leur malignité arrive juste après celle de la malaria et de la bilharziose. Il en existe bien des variétés. Celle qui posent problème à l’homme se nomme Amœbia Hystolitica. Elle est aussi effrayante, car capable d’attaquer les tissus, de traverser la paroi intestinale et d’aller infecter les organes, en particulier le foie, mais aussi les poumons, les reins ou le cerveau. Jusqu’à tout récemment, on l’a confondue avec sa sosie Amœbia Dispar qui est, comme bien d’autres variétés d’amibes locataires du côlon humain, totalement inoffensive.

Les amibes n’ont une forme étoilée que dans le côlon, elles se transforment en kystes dès qu’elles s’approchent de la sortie. Les kystes sont très résistants, et assurent la transmission à d’autres tubes digestifs, où ils pénètrent plus décemment par la bouche. On compte des centaines de millions d’humains côlonisés (c’est le cas de le dire) par Ameobia Dispar ou Hemolytica, la seconde dans 1 à 5 % des cas suivant les sources et les zones. Les symptômes des méchantes activités de la seconde sont principalement des diarrhées fréquentes glairo-sanglantes et afécales, un abdomen sensible, un toucher rectal douloureux, et l’absence de fièvre. Les choses peuvent s’aggraver si les amibes passent dans la vascularisation de la paroi intestinale et arrivent dans le foie où elles font des abcès caractéristiques. Plus grave encore en cas de perforation intestinale.

Il est tout de même reconnu que le système immunitaire peut bloquer cet envahissement en intervenant dès la pénétration des amibes dans le système circulatoire. La question est donc de savoir pourquoi ce damné système immunitaire ne fait pas son boulot. Pourquoi fonctionne-t-il chez certains sujets contaminés, et pas chez les autres ? À cette étape du raisonnement, la médecine reste sans réponse valable. Elle ne peut invoquer que des causes génétiques obscures, soit que les organismes hôtes soient porteur d’une faiblesse génétique, soit que les envahisseurs bénéficient de mutations les rendant plus agressifs. La cause numéro 1 de la désorganisation de l’immunité ne vient pas à l’idée des chercheurs : médecine rime avec cuisine…

Ma première observation sur ces étranges créatures étoilées date de 1979. Nous faisions alors une recherche sur les éosinophiles, classe de globules blancs dont les fonctions ne nous paraissaient pas claires, et dont le taux atteignait des valeurs dix fois supérieures à la normale chez les instinctos. Le phénomène était intriguant, et un ami architecte décida de nous financer les analyses de sang et de selles. La médecine enseigne qu’un taux d’éosinophiles dépassant 3 ou 4 % signe soit une parasitose, soit une allergie. Mais chez nous, malgré des taux vertigineux, s’élevant parfois à plus de 20 %, pas le moindre signe d’allergie, au contraire : l’instincto était déjà connue pour des guérisons spectaculaires d’allergies rebelles à tous les traitements. Il restait donc la suspicion de parasitose.

Aucune des analyses de selle ne se révéla positive : aucun parasite intestinal chez aucun des cobayes, sauf chez un unique sujet parmi la vingtaine de cas. L’une de mes filles présentait à la fois une éosinophilie de 8 % si ma mémoire est bonne, et des amibes dans les selles. Et précisément des Ameobiae Hystotlyticae, la souche la plus dangereuse. Je fus d’abord étonné qu’on puisse avoir des parasites dans le contexte instincto, sachant que de nombreuses parasitoses avaient rapidement disparu après passage du cuit au cru instinctif.

J’expliquai la chose à ma fillette, en lui parlant du danger de ces amibes qui se multipliaient dans son intestin et qui risquaient de lui causer des hémorragies. Je la vis blêmir, et pensai avoir trop insisté sur les pronostics possibles. Mais sa pâleur avait une autre cause : elle avait depuis plusieurs semaines acheté régulièrement des pots de confiture chez l’épicière du village, avec de l’argent subtilisé dans le porte-monnaie quelque peu vagabond de sa maman. Elle me montra pour me convaincre – ou pour se dédouaner de ses cachoteries – tout un trophée de verres à confiture vides, entassés sous un buisson du jardin…

Voilà qui constituait un recoupement parfait : le seul cas de parasitose s’était présenté justement là où il y avait eu des aliments dénaturés. Mais le mystère restait entier et d’autant plus épais pour tous les autres cas : comment se faisait-il qu’une nourriture 100 % naturelle produise une élévation spectaculaire du taux d’éosinophile ? Il pouvait s’agir d’un renforcement des défenses immunitaires contre des cellules cancérisées. Les éosinophiles étaient en effet connus pour savoir se grouper autour d’une cellule cancéreuse et la neutraliser. Les taux d’éosinophiles considérés comme normaux auraient alors témoigné d’une faiblesse du système immunitaire, et le taux naturel, lié à une défense efficace contre les cellules mutées, aurait été beaucoup plus élevé. La seconde hypothèse ne tombait pas de la lune, car nous avions déjà constaté la régression de tumeurs cancéreuses.

Ma fille décida, vu le danger qu’elle encourait, de renoncer à toute exception. Lors de l’analyse de selles suivante, soit trois semaines plus tard, plus trace d’amibes ni de kystes. Voilà qui confirmait l’un des leitmotivs de l’instincto : jamais de parasitose intestinale, alors même que les aliments crus sont censés apporter plus de germes que les aliments cuits. Exactement l’inverse que ce qu’enseigne la Faculté. Un bon nombre d’autres cas d’amibiase ont encore conforté la chose. Je crois qu’on peut tabler sur le fait que ces parasites ne posent problème que dans le contexte culinaire, et aucun dans le contexte originel.

Première explication : le système immunitaire serait désorganisé par la pénétration en masse d’antigènes alimentaires. Toutes sortes de molécules déformées par les réactions chimiques induites par la cuisson et les mélanges, des molécules d’origine bovine qui n’ont elles non plus rien à faire dans un organisme humain, pénètrent systématiquement dans le sang des culivores. Cette avalanche moléculaire crée inévitablement un stress immunologique, de sorte que les défenses naturelles contre les parasites sont amoindries.

Deuxième explication : le lieu de villégiature préféré des amibes est le côlon. Or, un parasite est en interaction avec son environnement. Le contenu du côlon est très différent suivant les aliments ingérés par son propriétaire. En témoigne les odeurs respectives des selles. Les animaux sauvages ont même des excréments totalement inodores ou, du moins, totalement exempts de ce que les civilisés appellent l’odeur de merde. Il est donc tout à fait plausible que les amibes s’installent préférentiellement dans un milieu plus proche de la putréfaction.

Une autre hypothèse serait que l’organisme ait appris à les domestiquer, tout comme il l’a fait pour les bactéries du microbiote, afin de neutraliser soit des molécules cuites dénaturées par la préparation culinaire, non dégradables par les enzymes disponibles, soit des bactéries indésirables (les amibes se nourrissent volontiers de bactéries, elles savent émettre des pseudopodes pour les saisir et les engloutir). On comprend dès lors que les amibiases soient beaucoup plus fréquentes chez les culivores, humains ou animaux domestiques, que dans le monde sauvage. Le côlon des premiers est infiniment plus riche en arômes.

À cela il faut ajouter que les molécules dénaturées sont pour un bon nombre mutagènes, c’est-à-dire qu’elles auront pu faire apparaître au cours des âges des souches nouvelles d’amibes, auxquelles l’organisme hôte est encore mal adapté. Serait-ce là le mystère de cette ressemblance entre amœbia dispar et amœbia hystolytica ? La seconde serait dans ce cas héritière directe de la cuisine: une expression du désordre moléculaire induit par les aliments transformés.

Hypothèse plus hardie encore : l’organisme humain aurait induit la mutation en question de manière à disposer d'une amibe plus efficace, capable de lutter contre les molécules de Maillard ou autres contenus intestinaux issus des nouvelles habitudes culinaires. Et ces contenus devenant de plus en plus abondants et imprévus au même titre que les recettes de cuisine, l’activité d’amœbia hystolytica dépasserait dans certains cas les limites du raisonnable. Au point d’aller s’installer parfois jusque dans le cerveau. Cet organe n'est effectivement pas à l'abri de la pollution culinaire, comme le démontrent les matières amyloïdes caractéristiques de la maladie d'Alzheimer.

Le raisonnement n’est pas aussi fou qu’il y paraît : la majorité des organismes sont habités par des amibes parfaitement inoffensives. Il y a manifestement, comme c’est le cas pour les bactéries intestinales, une symbiose entre hôte et locataire. L’organisme s’est donc montré capable de mettre au point, au fil des temps biologiques, des rapports de symbiose bien contrôlés qui lui permettent de mieux gérer sa flore intestinale. Tout comme il l’a fait avec des bactéries, il a pu le faire avec des amibes, qui pourraient bien être les plus archaïques des protozoaires. La survenue d'amoebia hystolitica ne serait dans ce cas qu'un phase supplémentaire d'un processus adaptatif, répondant aux changements d'alimentation qui se sont accélérés dans les derniers millénaires.

Il s’agirait donc de mécanismes fondamentaux, intrinsèquement liés à la vie avec ses multiples symbioses. La nocivité apparente des amibes, tout comme des bactéries, ne serait qu’une conséquence d’un changement écologique majeur dans notre milieu intestinal, voire hépatique ou cérébral, en rapport direct avec les progrès de l’art culinaire. Les considérer a priori comme des ennemies serait aussi stupide que de faire la guerre aux troupes sanitaires.

Sans compter qu'une erreur de tir, au niveau des théories médicales, peut faire de nombreuses victimes, dont peut-être ces deux baigneurs américains...

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