Chasteté et pied d'athlète

Futura-santé nous apprend que le Trichophyton rubrum, champignon microscopique responsable des mycoses les plus classiques aurait acquis sa forme asexuée en s'adaptant à sa vie de pathogène humain : Lire l'article de Futura-santé.

Tricho parce le microscope y voit des filaments, phyton parce que les botanistes qui le découvraient il y a un bon siècle classaient les champignons dans les végétaux, et rubrum parce que des pigments rouges apparaissent lors de sa culture en boîte de Pétri. La science est pleine de secrets...  

Les symptômes sont classiques et se retrouvent chez 90% de la population : lésions de la peau entre les orteils (ce qu'on appelle "pied d'athlète"), ongles qui dégénèrent (onychomycose), herpès circiné, teigne etc. Une nouvelle étude vient de montrer qu'il aurait évolué vers une forme asexuée après avoir réalisé sa vocation de parasite humain. La communauté scientifique se réjouit, car les formes asexuées s'adaptent difficilement à de nouvelles conditions, ce qui laisse augurer que de nouveaux médicaments fongicides pourraient l'éradiquer, pour le plus grand bien des grands laboratoires.

Ce que la même communauté scientifique ignore, c'est que les mycoses sont directement liées à la surcharge alimentaire, notamment à la surcharge en protéines. Les mycoses se développent, même avec une alimentation 100% crue et naturelle, lorsqu'on dépasse les signaux sensoriels indiquant que le besoin est couvert. Un excès de viande les favorise particulièrement. J'ai pu observer plusieurs fois la survenue de mycoses lors d'une consommation préférentielle de viande de mammifère, et leur disparition rapide en donnant priorité aux insectes (notamment au couvain d'abeilles). Comment cela peut-il s'expliquer ? 

Les primates consomment régulièrement des insectes. Depuis bien avant l'invention du hameçon, les chimpanzés et bonobos savent les "pêcher" à l'aide de brindilles qu'ils introduisent par exemple dans les termitières. Ils mangent aussi beaucoup de larves qu'ils trouvent dans le bois pourri. Il est très probable que les insectes soient aussi la source principale de protéines animales inscrite au génome humain. L'insectivorisme était courant avant la civilisation gastronomique qui est la nôtre.

Le fait de remplacer les insectes par la viande de vertébrés, suite au développement des techniques de chasse, a eu pour effet un apport anormalement élevé de kératines. Les vertébrés synthétisent les kératines en tant que protéines de structure, alors que les insectes recourent à la chitine, qui est un polysaccharide. Cette différence fondamentale est certainement en rapport avec le fait que la surcharge de viande augmente anormalement la pilosité, la desquamation (pellicules, peaux sèches), la poussée des ongles en même temps qu'elle les rend cassants, les rides, les callosités, les crevasses, les cors aux pieds, et autres formations constituées de kératines. Il est en tout cas net que le remplacement de la viande par les insectes fait disparaître rapidement ces différents troubles, et que le retour à la viande les fait réapparaître. Ces observations donnent à penser qu'une consommation exagérée de viande provoque un excès de kératines ou des troubles dans leur métabolisme, de sorte qu'elles se retrouve en excès ou sous une forme incontrôlable dans les cellules fabriquant les phanères (peau, ongles, poils, cheveux etc.).

Mais le plus beau recoupement : le Trichophyton rubrum est connu pour se nourrir des kératines de la peau ! Rien d'étonnant donc à ce qu'il ait trouvé un logis tout à son gré dans les pieds des chasseurs improvisés qu'on été nos ancêtres, et plus encore dans nos pieds d'athlètes de la gastronomie moderne, plus axée que jamais sur la consommation de vertébrés. Il est notoire que le fâcheux champignon s'est répandu en Europe au cours du siècle dernier https://fr.wikipedia.org/wiki/Trichophyton_rubrum. La bonne cuisine bourgeoise et la grande bouffe des trente glorieuses ont dû y être pour quelque chose. Et c'est là comme par hasard qu'il a fallu inventer des médicaments fongicides aussi inefficaces que coûteux et polluants.

On peut même penser que ce champignon, quasiment endémique, était "prévu" de longue date par la nature pour épurer tout excès de kératines. Comme le candida albicans que l'on trouve en petite quantité dans tous les organismes, et qui ne devient pathogène que lorsqu'il prolifère anormalement, le trichophyton peut avoir d'abord une mission parfaitement programmée, et ne devenir encombrant que s'il se multiplie exagérément. Et cette prolifération peut s'expliquer par un excès de son mets préféré, la kératine, tout comme la prolifération du candida, amateur de sucres, s'explique par un excès de glucides dans les menus quotidiens. 

Le Trichophyton rubrum a donc pu trouver dans la peau humaine depuis que la consommation de viande s'est généralisée, un terrain d'expansion particulièrement favorable et particulièrement stable. Les régions humides comme entre les orteils ou sous les ongles étaient évidemment les plus confortables. N'ayant plus à lutter pour sa survie comme c'était le cas dans la nature, où la capacité d'adaptation (donc la forme sexuée) était déterminante, il a pu évoluer vers une forme asexuée, qui facilite même sa reproduction. En quelque sorte, la pression de sélection qui favorisait les formes sexuées s'est inversée avec les changements d'alimentation, et la reproduction asexuée a fini par prendre le pas sur la forme sexuée. Voilà qui permet de mieux comprendre l'étonnante chasteté de l'agressif champignon. Pas de quoi rougir.

Souhaitons donc bonne chance aux chimistes qui fabriqueront la nouvelle molécule de synthèse censée avoir raison du méchant parasite. Celui-ci n'arrivera certes pas à s'adapter aussi facilement que s'il était encore passionné de sexe. Mais ce que nos apprentis sorciers de l'industrie pharmaceutique oublient, c'est qu'il existe encore de rares souches non châtrées de par le monde (une sur 134 d'après l'étude citée). Les nouveaux fongicides exerceront donc une pression de sélection qui leur laissera le champ libre pour resexualiser les futures souches. En d'autres termes, les médicaments marcheront un moment, puis l'adaptation se fera quand même grâce aux miracles du sexe. Et les humains continueront à avoir des pieds d'athlète... 

Cuisine et médecines sont décidément des voies sans issue.