Qu’est-ce au juste que l’œdipe ?

Freud a nommé « complexe d’Œdipe » l’ensemble des pulsions sexuelles que le garçon éprouve pour sa mère, refoulées sous la menace de castration que lui oppose le père.

Pourquoi parler d’Œdipe ? Par référence au fameux mythe racontant qu’Œdipe, fils du roi Laïos, aurait tué son père et épousé sa mère Jocaste. Par la suite, Freud a étendu le cas du garçon à la fille, celle-ci étant amoureuse de son père et se heurtant aux interdits de la mère. Le refoulement de ces pulsions précoces constituerait le plus grand traumatisme de l’enfance et serait à l’origine de la névrose, expliquée en tant que déviation des pulsions sexuelles dans des voies non naturelles.

Cette théorie faisait pièce aux thèses de Charcot selon lesquelles l’hystérie était au contraire la conséquence d’un abus sexuel remontant à la petite enfance, oblitéré par amnésie infantile ou par déni. Freud ne niait pas que cette situation puisse aussi se présenter, mais pensait que le cas du refoulement était beaucoup plus fréquent.

Près d’un siècle de psychanalyse semble avoir confirmé l’existence du complexe d’Œdipe refoulé en tant que cause de névrose. Toutefois, depuis les années 70/80, certains psychiatres américains ont relancé le point de vue de Charcot. Selon eux, les troubles de la personnalité proviendraient très systématiquement d’abus subis dans l’enfance, causes d’un traumatisme intolérable et inavouable, de sorte que le patient se réfugie dans des positions de déni ouvrant la voie à toutes sortes de pathologies.

Aujourd’hui, en partie sous l’influence de la psychologie de la cognition, une sorte de tabou interdit de parler de sexualité infantile. De nombreux parents témoignent pourtant avoir observé chez leurs enfants très jeunes des conduites sexuelles manifestes. Pour les psychanalystes, l’existence de pulsions précoces ne fait aucun doute. On peut se demander qui a raison : le cognitivisme a longtemps nié l’existence d’émotions, et passe encore sous silence la sexualité adulte, ce qui n’est pas une garantie de pertinence ; la psychanalyse est encore sous l’influence du freudisme et pourrait être suspecte de pansexualisme.

Les divergences d’opinion, dans quelque domaine que ce soit, proviennent le plus souvent d’un manque d’information. Or, il manque à tous les acteurs de cette affaire une information fondamentale : le rapport archaïque entre amour physique et développement métapsychique. Ce lien, que l’on trouve pourtant chez Platon, « père de la philosophie », ou dans le Jardin des Délices de Jérôme Bosch, ou même dans le célèbre « Printemps » de Botticelli, amène à reconsidérer toute la situation.

Le thème de l’œdipe se rapporte aussi au tabou de l'inceste en soi, souvent considéré comme universel. Pourtant, l’inceste est rapporté à toutes les époques et dans de nombreuses cultures. Certaines en faisaient même une norme, jusqu’à déifier cette forme d'amour et lui prêter le don de permettre une connexion particulière au divin, voire d’assurer une descendance divine, par exemple en ancienne Egypte, à Hawaï, en Perse sassanide.

Quelques références historiques ne suffiraient pas à justifier une remise à plat de la théorie. Ce sont avant tout de nombreux faits d’observation qui m’incitent à remettre en question les conceptions actuelles. Je n’en reprendrai pas ici l’historique, que j’ai détaillé dans la seconde partie de mon livre « Jardin des Délices : le Secret du Futur ? ». Je rappellerai simplement que plus de quatre-vingts personnes ont développé des facultés de voyance tout à fait exceptionnelles dans le contexte d’une alimentation naturelle et de relations amoureuses telles que je les ai définies sous l’égide de l’instinctothérapie et de la métapsychanalyse.

La survenue de telles facultés, extrêmement rare dans les conditions de vie ordinaires, s’est avérée largement vérifiable et reproductible. Cela s’est encore confirmé tout récemment dans bon nombre de cas. La question est plutôt de savoir pourquoi, dans les conditions alimentaires et relationnelles traditionnelles, elles ne se manifestent pas. C’est là une des tâches principales qui nous échoit, outre la reconstruction des théories actuelles sur la sexualité et, tout particulièrement, une refonte de tout ce qui a été dit autour de l’œdipe.

Commençons par l’alimentation : pour quelle raison l’alimentation traditionnelle serait-elle défavorable à une telle fonction métapsychique de l’amour ? Une première cause de dysfonctionnement s’avère liée à ce que j’ai appelé « l’accrochage », auto-excitation de circuits neuronaux, aujourd’hui admise en psychopathologie sous le nom « d’automatismes mentaux ».

Déjà dans les premiers mois d’alimentation naturelle, j’ai pu remarquer chez moi-même et dans tout mon entourage un état psychique de loin plus détendu et, en particulier, une régulation très différente des pulsions sexuelles. Tout se passe comme si la sexualité se remettait au service de l’amour. Il suffit en revanche d’une exception pour que les pulsions partielles, ressenties comme un besoin organique indépendant du sentiment amoureux, retrouvent leur prégnance.

On sait aujourd’hui que le gluten du blé et les exorphines du lait exercent une action excitante sur le système nerveux. Les centres responsables de l’excitation sexuelle semblent particulièrement sensibles à ces excitations parasites, peut-être parce que la reproduction a toujours été d’une importance primordiale pour la survie des espèces.

L’expérience montre sans ambiguïté que l’alimentation traditionnelle, même un seul aliment dénaturé, suffit à désorganiser la dynamique pulsionnelle. Le désir sexuel s’autonomise, le souvenir du plaisir et l’envie de le réitérer prennent une place démesurée. Au lieu de répondre aux sentiments subtils de la relation amoureuse, fondée essentiellement sur l’empathie et la sensation de magie amoureuse, apparaît un besoin sexuel égocentré conduisant à l’exploitation sexuelle du partenaire – au mieux à une recherche partagée de plaisir – voire au viol et à la prostitution.

L’image que notre culture nous renvoie de la sexualité est ainsi partagée entre les images d’Épinal d’un amour éthéré, transfiguratif comme l’affichent les mythes de Tristan et Iseult ou de Roméo et Juliette, et tout un arrière-plan de frustration, de souffrance, de déchirement, de séduction, de harcèlement, de prostitution, de pornographie, de perversion qui n’existerait aucunement dans des conditions de fonctionnement physiologique naturel du psychisme. Les représentations du primitif traînant sa femme par les cheveux pour aller la violer dans la grotte du coin sont purement fictives. Elles ont été fabriquées sur mesure, à une époque où il fallait justifier le progrès culturel et industriel par la vilenie de l’homme préhistorique.

Il faut être bien conscient que la morale d’aujourd’hui n’est pas ce qu’elle était hier, ni ce qu’elle sera demain. L’homosexualité était encore considérée comme une perversion et une pathologie il y a une ou deux générations, aujourd’hui seul un petit pourcentage de la population la tient encore pour répugnante. La sexualité infantile ne faisait l’objet d’aucun discrédit au Moyen-âge, les relations enfant-adulte étaient courantes comme le montrent de nombreux documents. Les premières dispositions légales datent des années 1830 et suivantes, et ont fait suite à une campagne de lutte contre la masturbation qui a défrayé la chronique dès le milieu du XVIIIe (un siècle plus tôt en Grande-Bretagne).

Il est possible que les tribulations de la morale aient fait suite aux désordres psychosexuels induits par l’alimentation. Le « vice solitaire » a vraisemblablement interpellé les moralistes parce que devenu plus saillant suite à l’excitation plus importante induite par les changements alimentaires. L’importation de produits coloniaux, comme le sucre, le cacao, le café, avec l’augmentation de consommation de blé et de gluten par le biais des pâtisseries sucrées, a inévitablement produit une augmentation de l’excitation sexuelle. Les comportements sexuels infantiles s’en sont nécessairement trouvés modifiés, au point d’inquiéter les adultes, ouvrant la voie à l’intervention des moralistes et des médecins.

La diabolisation de la masturbation a dès cette époque profondément influencé la société occidentale. Les sentiments de culpabilité se sont implantés à travers la lutte trop souvent vaine que chaque jeune devait mener contre ses propres pulsions. Les parents et médecins utilisaient toutes sortes de moyens physiques censés empêcher les enfants de s’adonner à l’abomination des abominations, cause de déchéance et d’une liste interminable de maladies. Les pères menaçaient leurs garçons de castration en cas de récidive.

Le problème de l’œdipe est apparu juste après l’irruption de cette nouvelle morale. Il a fallu moins d’un siècle pour qu’un Freud découvre les conséquences pathogènes du refoulement des pulsions précoces. La psychanalyse s’est toutefois développée, de par la volonté de son fondateur, dans un sens strictement thérapeutique, et non dans le sens d’une remise en question de la morale. Aujourd’hui, sous l’influence de la psychiatrie américaine, notre société est repartie dans un déni viscéral de la sexualité infantile et dans une diabolisation de la relation enfant-adulte.

La désorganisation de l’appareil pulsionnel sous l’effet des excitants alimentaires permet au moins d’expliquer pourquoi le discours sur le sexe est truffé de contradictions et de divergences d’opinions. Tous les comportements sont sujets à suspicion. On ne peut pas savoir s’ils répondent aux pulsions naturelles, profondément liées à l’amour, ou à des pulsions contre nature induites par l’alimentation traditionnelle – dont on ne comprend pas la raison d’être, vu que cette alimentation est considérée comme normale. Les interdits de la morale sont tantôt utiles, s’ils évitent des comportements avilissants, tantôt nocifs s’ils s’en prennent aux comportements naturels et font échouer le développement psychosexuel et métapsychique.

L’un des effets néfastes de ces avatars de la morale est que le raisonnement logique et objectif n’est ajourd’hui presque plus possible. Il est extrêmement difficile de faire abstraction des préjugés, des stéréotypes, des risques de diffamation, voire de fausses accusations, qui planent au-dessus de toute question que l’on pourrait poser dans ces domaines. J’en ai fait l’expérience, mais j’estime qu’il serait lâche de ne pas dire ce qui doit être dit quant aux remaniements théoriques indispensables une fois formulée la finalité extrasensorielle de la sexualité.

Comment résoudre dans ce contexte un problème aussi délicat que celui de l’œdipe ? Il faut apprendre à penser logiquement quelles que soient les pressions du paradigme dominant. Se baser sur les faits objectifs, sur les données historiques, sur les données ethnologiques et faire preuve d’une logique sans faille.

Je crois que l’on peut considérer comme un fait objectif que le refoulement de l’œdipe constitue un traumatisme. Le nombre d’analyses psychanalytiques qui l’ont confirmé ne laisse guère de place au doute, même si les cognitivistes ont décidé de partir en guerre contre Freud et ses héritiers.

Les observations réalisée dans le contexte alimentaire naturel d’un lien entre amour et facultés extrasensorielles constituent également un fait objectif, étant donné qu’elles ont été vérifiées par un grand nombre de personnes. Elles justifient pour le moins l’énoncé d’un postulat : que les pulsions sexuelles non vouées à la reproduction ont une finalité métapsychique.

Sur la base de ce postulat, les pulsions œdipiennes trouvent immédiatement une explication fondamentale : leur fonction serait d’assurer le développement extrasensoriel dès l’enfance. De même, le traumatisme qu’entraîne leur refoulement voit son ampleur expliquée par les conséquences existentielles que représente l’échec de ce développement. L’absence de perception extrasensorielle change profondément le rapport à la réalité quotidienne et à la signification spirituelle de l’existence.

Ce raisonnement ne permet toutefois pas de dire qu’il suffirait de laisser les enfants réaliser leurs pulsions pour éviter tout traumatisme et assurer leur développement extrasensoriel. Les pulsions œdipiennes sont dirigées vers l’adulte, il faudrait donc que l’adulte soit capable de leur donner une réponse conforme aux lois naturelles. Or, dans une société où les pulsions sexuelles sont altérées par le facteur alimentaire et par les sentiments de culpabilité, sans oublier la névrose généralisée, on pourrait tout au plus s’attendre à un traumatisme encore plus grave et doublé d'un échec extrasensoriel peut-être plus irréversible.

Le raisonnement aboutit donc à une impasse. La dégradation de la sexualité fait que l’œdipe ne peut être que refoulé, le refoulement répercute cette dégradation de génération en génération. Il ne reste finalement de la sexualité que sa composante animale et de l’extrasensoriel une image de superstition. Existerait-il une solution pour sortir du cercle vicieux ?

Cette question pourrait trouver une réponse dans les observations que Malinowski, l’un des plus célèbres ethnologues, a réalisée aux Îles Trobriand au début du siècle passé. Selon lui, les Trobriandais ne connaissaient aucun tabou sexuel, à l’exception de certaines limitations entre frère et sœur, et pas davantage de traces de névrose. Lorsqu’il demandait à une mère pourquoi elle était mariée (sachant que ces « Primitifs » ignoraient la fonction biologique du sperme), celle-ci lui répondait « Qui dormirait sinon avec mes enfants ? ». Lorsqu’il demandait quel était l’organe sexuel le plus important, la réponse lui paraissait encore plus surprenante : « Mais voyons, les yeux ! ».

Ceci pour montrer que l’on peut avoir de la sexualité une image très différente de la nôtre. Et lorsqu’on sait par surcroît que les Trobriandais étaient familiers des rêves prémonitoires et des visions, qu’ils les utilisaient en permanence pour guider leur vie amoureuse, la boucle est bouclée.

Notre culture occidentale a perdu depuis quelques siècles la fonction transcendante de la sexualité. L’équation réductionniste « sexe = reproduction » a supplanté les deux Éros de Platon. Nous avons du même coup perdu l’accès à l’extrasensoriel. De là surgit le problème insoluble de l’œdipe, dont on ne peut comprendre la signification, et qui est à la fois cause et conséquence d’une névrose générale. La perte de l’extrasensoriel entraîne par recherche de compensation un surinvestissement des valeurs matérielles, avec toutes les conséquences économiques, écologiques et spirituelles qui menacent la survie de notre culture occidentale.

Comprendre la fonction métapsychique de l’œdipe pourrait changer la donne.